Le Point.fr - Publié le 25/02/2012 à 12:59
Le film est couvert de prix, mais, en France, le public lui a nettement préféré "Intouchables". Analyse.
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Avant la cérémonie des Césars vendredi soir, The Artist avait déjà récolté 70 prix dans le monde entier, dont 40 aux États-Unis. Six récompenses supplémentaires sont tombées dans son escarcelle. En termes de prix, il bat tous les records. Par contre, en termes d'entrées...
Près de dix-sept millions de spectateurs séparent The Artistd'Intouchables. 19 millions pour ce dernier, 2,1 millions pour le premier. Après une première sortie le 12 octobre (sur 295 copies),The Artist a pourtant bénéficié d'une ressortie fin janvier, d'abord sur 200 copies, aujourd'hui sur 500 copies, ce qui est exceptionnel. Compte tenu du buzz, du très bon bouche-à-oreille, du potentiel populaire incontestable de Jean Dujardin, ces chiffres sont, dans l'absolu, satisfaisants - qui cracherait sur 2,1 millions d'entrées ? -, mais en réalité ils sont décevants. Si l'on prend en considération tous les éléments cités, le film aurait dû franchir aisément les 5 millions de spectateurs, voire nettement plus. Au contraire, il n'arrive pas à prendre son élan, à crever un plafond de verre. La forêt des récompenses reçues masque cette déception commerciale.
Élitiste
Est-ce un obstacle culturel ? Le réservoir de Français pouvant effectuer la démarche d'aller voir un film muet en noir et blanc, aussi porté aux nues soit-il, aussi moderne soit-il, est-il si limité ? 2 millions, cela correspond au score d'un film d'auteur qui marche très bien, mais quelques autres - prenons Le discours d'un roi ou certains Scorsese ou Tim Burton - ont attiré plus de monde. Beaucoup ont-ils eu le réflexe d'attendre le DVD ? Les Français ont-ils été soûlés par la couverture médiatique exceptionnellement longue avec la campagne américaine de Dujardin ? Le phénomèneIntouchables a-t-il cassé les pattes à The Artist selon le principe que jamais la France n'a plébiscité largement dans les salles deux films à la fois ?
Dans un cas, on a affaire au film par définition populaire, au message rassembleur et consensuel, dans l'autre, le noir et blanc muet apporte une touche "arty", élitiste, excluante. Faut-il rappeler que ce sont les jeunes qui fournissent le gros des bataillons des cinémas - et quand ils aiment un film, ils y retournent une fois, deux fois ? Des jeunes, qui sont évidemment plus réticents à aller voir "un film de 1927" et qui ne savaient peut-être même pas qu'un tel film pouvait exister.
L'explication se trouve éparpillée dans ces différentes hypothèses. The Artist restera à jamais le plus bel exemple du film "made in France" qui s'est exporté dans le monde entier, mais, comparativement, il aura été beaucoup moins prophète en son pays.