Mots clés : Bahreïn, Cheikh Khalifa, Roi Hamad
Par Georges MalbrunotMis à jour | publié Réactions (2)
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Hamad Ben Issa al-Khalifa, roi de Bahreïn, lors de l'inauguration officielle d'un hôpital portant son nom, le 6 février, à Manama. Crédits photo : HAMAD I MOHAMMED/REUTERS
Le premier ministre, Cheikh Khalifa, 75 ans, prône une ligne dure alors que son neveu le roi Hamad, et surtout le prince héritier Salman sont connus pour être plus ouverts au changement.
Ses portraits sont partout: à l'aéroport, le long des routes et, bien sûr, dans les bastions sunnites radicaux comme Muharraq, où les images du premier ministre, Cheikh Khalifa, 75 ans, sont assorties d'un «Only you» en arabe qui rappelle la célèbre ballade romantique. En revanche, les représentations du roi Hamad sont beaucoup moins nombreuses. Ce qui fait de Bahreïn une anomalie dans un monde arabe qui a la culture du chef. Comme si le premier ministre avait profité de la révolte chiite pour perpétrer un coup d'État en douceur.
«Qui dirige Bahreïn? Bassiouni ou les al-Khalifa», aurait-il lancé au moment de la publication du rapport de la commission d'enquête, dont il est soupçonné aujourd'hui de freiner les recommandations. «Sans doute a-t-il peur de se retrouver devant la justice», explique un observateur étranger. En participant à la plupart des grands projets de développement de l'archipel au cours des trente dernières années, Cheikh Khalifa aurait engrangé de confortables commissions. Depuis un an, ce partisan de la manière forte prend sa revanche sur son neveu, le roi Hamad, qui ne dirige Bahreïn que depuis 1999, et surtout sur le prince héritier Salman, connu pour être plus ouvert au changement.
Mais Khalifa n'est pas seul. Il est appuyé en coulisses par Nayef, le prince héritier saoudien, l'homme de la sécurité au royaume wahhabite, qui partage la même suspicion à l'égard des chiites et de l'Iran. «C'est la clé du problème à Bahreïn», estime un diplomate occidental. Nayef, qui vient d'être victime d'un léger accident cardiaque, fut l'artisan de l'envoi des troupes saoudiennes l'an dernier pour mâter la rébellion des chiites de Bahreïn.
«C'est bien pour cela que l'on ne veut pas couper les liens avec l'Arabie, jure l'ancien député chiite Matar Matar. Nous ne sommes pas antisaoudiens, et notre modèle de société, ce n'est pas non plus l'Iran. Les sunnites doivent arrêter de nous dépeindre comme des agents iraniens.» Même l'ambassade américaine récuse cette thèse du complot iranien. Mais Washington et les pays européens sont accusés de ne pas assez défendre l'aspiration à la liberté de la majorité chiite. «Parce que nous avons des liens culturels avec l'Iran, nous sommes les oubliés des révolutions arabes», se plaint Matar Matar.
Bahreïn va devoir choisir entre l'unité de la famille régnante et l'unité de sa population. La première est également profondément divisée. Les durs autour du premier ministre, qui a su rallier le chef de l'armée et le patron de la cour royale, ont réussi jusqu'à maintenant à marginaliser les plus réalistes autour du roi et de son fils, Salman.
«Il n'y a pas un, mais des gouvernements aujourd'hui à Bahreïn», constate Mansour al-Jaamri, le rédacteur en chef d'al-Wassat, le seul quotidien proche de l'opposition. Suspendu puis réintégré trois mois plus tard dans ses fonctions, al-Jaamri redoute à terme une prise du pouvoir par l'armée, qui s'est rapprochée du premier ministre.
En face, l'opposition chiite a bien du mal, elle aussi, à contenir les plus radicaux. Son principal parti, le Wifaq est débordé par certains ultras. Quant aux rares voix qui essaient de lancer des passerelles entre les deux camps, comme celle de l'ancien ministre Ali Fakrour, elles demeurent étouffées sous les anathèmes des uns et des autres.
«Qui dirige Bahreïn? Bassiouni ou les al-Khalifa», aurait-il lancé au moment de la publication du rapport de la commission d'enquête, dont il est soupçonné aujourd'hui de freiner les recommandations. «Sans doute a-t-il peur de se retrouver devant la justice», explique un observateur étranger. En participant à la plupart des grands projets de développement de l'archipel au cours des trente dernières années, Cheikh Khalifa aurait engrangé de confortables commissions. Depuis un an, ce partisan de la manière forte prend sa revanche sur son neveu, le roi Hamad, qui ne dirige Bahreïn que depuis 1999, et surtout sur le prince héritier Salman, connu pour être plus ouvert au changement.
Mais Khalifa n'est pas seul. Il est appuyé en coulisses par Nayef, le prince héritier saoudien, l'homme de la sécurité au royaume wahhabite, qui partage la même suspicion à l'égard des chiites et de l'Iran. «C'est la clé du problème à Bahreïn», estime un diplomate occidental. Nayef, qui vient d'être victime d'un léger accident cardiaque, fut l'artisan de l'envoi des troupes saoudiennes l'an dernier pour mâter la rébellion des chiites de Bahreïn.
«Quasi-province saoudienne»
Peu après, lorsque l'ONU proposa sa médiation, les dirigeants saoudiens répondirent que leur roi, Abdallah, avait personnellement appelé Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations unies, pour le prier de rester à l'écart des troubles. «Presque une affaire de famille, sourit un vieil expatrié européen à Manama. Bahreïn, ajoute-t-il, est une quasi-province saoudienne.» Les deux tiers des recettes du budget de l'État proviennent en effet de la vente du pétrole à partir du champ d'Abou Safa, que l'Arabie a cédé à Bahreïn en 1996.«C'est bien pour cela que l'on ne veut pas couper les liens avec l'Arabie, jure l'ancien député chiite Matar Matar. Nous ne sommes pas antisaoudiens, et notre modèle de société, ce n'est pas non plus l'Iran. Les sunnites doivent arrêter de nous dépeindre comme des agents iraniens.» Même l'ambassade américaine récuse cette thèse du complot iranien. Mais Washington et les pays européens sont accusés de ne pas assez défendre l'aspiration à la liberté de la majorité chiite. «Parce que nous avons des liens culturels avec l'Iran, nous sommes les oubliés des révolutions arabes», se plaint Matar Matar.
Bahreïn va devoir choisir entre l'unité de la famille régnante et l'unité de sa population. La première est également profondément divisée. Les durs autour du premier ministre, qui a su rallier le chef de l'armée et le patron de la cour royale, ont réussi jusqu'à maintenant à marginaliser les plus réalistes autour du roi et de son fils, Salman.
«Il n'y a pas un, mais des gouvernements aujourd'hui à Bahreïn», constate Mansour al-Jaamri, le rédacteur en chef d'al-Wassat, le seul quotidien proche de l'opposition. Suspendu puis réintégré trois mois plus tard dans ses fonctions, al-Jaamri redoute à terme une prise du pouvoir par l'armée, qui s'est rapprochée du premier ministre.
En face, l'opposition chiite a bien du mal, elle aussi, à contenir les plus radicaux. Son principal parti, le Wifaq est débordé par certains ultras. Quant aux rares voix qui essaient de lancer des passerelles entre les deux camps, comme celle de l'ancien ministre Ali Fakrour, elles demeurent étouffées sous les anathèmes des uns et des autres.