samedi 18 février 2012

La Libye célèbre l'an I de la révolution


La Libye célèbre l'an I de la révolution

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Par Thierry PortesMis à jour  | publié  Réactions (63)
Des femmes brandissent le nouveau drapeau libyen pour commémorer le premier anniversaire de la révolution, à Benghazi.
Des femmes brandissent le nouveau drapeau libyen pour commémorer le premier anniversaire de la révolution, à Benghazi. Crédits photo : GIANLUIGI GUERCIA/AFP
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Les responsables gouvernementaux se sont faits discrets aux cérémonies de Benghazi.

Le peuple de Benghazi a repris possession de la rue, levant drapeaux, s'exaltant et klaxonnant à tout va, en ce premier anniversaire de la révolution libyenne du 17 février 2011. Il y a un an, après avoir tiré sur la foule, les troupes de Kadhafi avaient plié devant sa détermination et quitté la ville. En ces temps de marasme économique et social, les autorités intérimaires libyennes ont préféré rester discrètes face à la population frondeuse de la grande cité de la Cyrénaïque d'où est partie la révolution. Le premier ministre Abdel Rahim al-Kib n'a fait qu'une courte apparition, vendredi soir, pour célébrer la nouvelle ère qui a succédé aux 42 années de la dictature de Mouammar Kadhafi. «Nous promettons d'établir un état de droit et de poursuivre les pro-Kadhafi à l'étranger», a-t-il déclaré lors d'une brève allocution publique.

«Prier pour les martyrs»

«Qu'Allah, qui a aidé les rebelles libyens, vienne aujourd'hui en aide aux rebelles syriens. Kadhafi a été défait ici, el-Assad sera pareillement défait en Syrie », a proclamé l'imam qui officiait sur la place de la Libération où jadis trônait la Haute Cour de justice. Nombre de cheikhs ont repris le même message, rappelant la mémoire des martyrs tombés face aux troupes kadhafistes et l'impossibilité pour quiconque de revenir aux temps honnis de la dictature.
«Les gens, assurait Jamal Bennour, le maire provisoire de Benghazi, veulent célébrer simplement cet anniversaire: ils veulent se souvenir, prier pour leurs martyrs, se retrouver. Et puis il y a toujours des excités qui peuvent mal agir. »
Parti de Benghazi, ce mot d'ordre a, semble-t-il, été respecté partout en Libye, où les commémorations ont été réduites à leur plus simple expression populaire. La peur d'actions revanchardes d'anciens kadhafistes ou d'échauffourées entre milices armées a renforcé la prudence des autorités. Dans un message télévisé enregistré, Moustapha Abdeljalil, le président du CNT, le Conseil national transitoire, a prévenu que «des groupes munis d'explosifs » avaient été capturés. L'annonce d'une allocation exceptionnelle de 2 000 dinars par famille a suscité plus d'attention. «Avant, il parlait et ne faisait rien, c'est mieux qu'il se taise et donne quelque chose », commentait un homme devant son voisin de café.
La dernière fois qu'il est venu à Benghazi, à la mi-janvier, Moustapha Abdeljalil a bien failli ne pas en réchapper. La foule, qui jetait des cocktails Molotov, a pris d'assaut le bâtiment où l'homme politique qui avait pris ici même sur ses épaules le destin incertain de la révolution tenait réunion. À la veille des célébrations, le 14 février, le premier ministre, Abdel Rahim al-Kib, a été à son tour malmené par des jeunes combattants qui exigeaient un salaire en récompense de leur engagement contre les troupes de la dictature. Le lendemain, des jeunes, encore plus nombreux, cherchaient à nouveau le premier ministre, qui avait préféré regagner Tripoli.
C'était le 15 février: la véritable date anniversaire du déclenchement de la révolution, il y a un an. Ce jour-là, à Benghazi, les familles des victimes du massacre de la prison d'Abou Salim, où plus de 1 270 prisonniers avaient été exécutés en 1996, avaient exigé la libération de leur porte-parole, l'avocat Fathi Terbel, retenu dans le complexe sécuritaire de la Mudiriya. Cette arrestation préventive, alors que circulaient sur les réseaux sociaux des appels à manifester pour le 17 février, date où 14 personnes furent tuées devant l'ancien consulat italien de Benghazi en 2006, a déclenché un processus qui conduisit à la mort de Mouammar Kadhafi le 20 octobre 2011.

Embouteillages monstres

Pour rappeler ces événements, un gamin, encadré par d'anciens sportifs, a parcouru, une flamme à la main, le chemin à l'époque emprunté par les manifestants jusqu'à l'actuelle place de la Libération. Des fusées éclairantes ont déchiré le ciel, suivies par quelques tirs d'armes automatiques.
«Le 17 j'étais là, le 15 j'étais là, et j'étais là six mois plus tôt, tous les samedis », a crié Fetoussi Warfalli. Le septuagénaire, vêtu d'une djellaba traditionnelle, a, une fois encore, parlé de son fils, exécuté à Tripoli, dans la prison d'Abou Salim, faisant le V de la victoire, et ponctuant son discours de «Allah akbar » repris par les curieux qui l'entouraient. Depuis le 15 février, en fin de journée à Benghazi, des badauds, des familles, des hommes en treillis poussent pareillement des «Allah akbar » et brandissent les nouveaux drapeaux libyens. Invariablement, ces réjouissances se terminent en embouteillages monstres, dans un déluge de Klaxons, des crissements de pneus et les hurlements des sirènes des voitures de police, jusque tard dans la nuit.

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