vendredi 24 février 2012

PPE : Nicolas Sarkozy fâché avec sa calculette


Le Point.fr - Publié le 23/02/2012 à 18:29 - Modifié le 24/02/2012 à 06:57

Le candidat a promis une baisse des charges salariales de l'ordre de 1 000 euros pour 7 millions de Français. Une mesure censée coûter 4 milliards...

Nicolas Sarkozy a un peu exagéré les gains à attendre de la baisse des charges salariales.
Nicolas Sarkozy a un peu exagéré les gains à attendre de la baisse des charges salariales. © APERCU / Sipa
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Nicolas Sarkozy a répondu, mercredi, à une des critiques majeures formulées à l'encontre de la TVA sociale. La baisse des charges proposée ne profite qu'aux seuls employeurs, alors que ce sont les consommateurs modestes qui vont payer la facture avec l'augmentation annoncée de la TVA en octobre. Le président candidat a donc promis, s'il est réélu, une baisse des charges salariales sur les petits salaires, compris entre 1 200 euros et 1 450 euros net par mois, pour que cela soit visible directement "sur la feuille de paye".

Calculatrice cassée

Pour financer le dispositif, Nicolas Sarkozy veut supprimer la prime pour l'emploi (PPE) et aligner la fiscalité des dividendes sur celle du travail. "Cela permet de baisser de 4 milliards d'euros les charges pour 7 millions de Français, ce qui permet d'augmenter le salaire d'un peu moins de 1 000 euros par an", a-t-il affirmé. Mais les lecteurs du Point.fr ont immédiatement tiqué : comment 4 milliards de baisses des charges peuvent-ils rapporter près de 1 000 euros par an à 7 millions de Français ? 1 000 euros multiplié par 7 millions de Français, cela coûte 7 milliards d'euros !
Entourloupe du candidat ? Pour Sébastien Proto, l'un des responsables du projet de Nicolas Sarkozy, il n'en est rien. La baisse des charges promise par le président serait en effet dégressive en fonction du salaire pour éviter les effets de seuil. Le gain serait en fait de 1 070 euros brut par an ou 840 net pour un smicard. Plus le bénéficiaire gagne, et plus cette somme diminue, pour disparaître à partir de 1 450 euros net par mois. En clair, un salarié qui gagne 1 300 euros net par mois ne touchera pas 1 000 euros de plus par an, loin, très loin de là. 

"Prendre aux pauvres pour donner aux pauvres"

Mais François Bayrou préfère un autre angle d'attaque. Pour le centriste, la proposition de Sarkozy revient à "prendre aux pauvres pour donner aux pauvres. Ce qu'on va redistribuer, c'est ce qu'on aura pris déjà à des aides et à des allocations", a-t-il raillé sur i>Télé. 
"Faux", réplique Sébastien Proto. Il est vrai que c'est la suppression des 2,5 milliards de la PPE (coût anticipé pour 2013) qui permettra de financer une grande partie de l'allègement de charges. Mais ce dispositif serait plus généreux que l'ancien : il "redistribue 60 % de plus aux salariés", grâce à l'augmentation de la fiscalité des dividendes (1,5 milliard d'euros), fait valoir son conseiller. Alors que la PPE rapportait en moyenne 450 euros à 6 millions de bénéficiaires, le dispositif proposé par Sarkozy devrait rapporter davantage à plus de personnes, selon lui.

La PPE très critiquée

Autre argument du chef de l'État, la PPE, instaurée par Lionel Jospin pour inciter au retour à l'emploi, n'est pas efficace. Une critique partagée par la Cour des comptes. Dans son rapport annuel 2011, les magistrats dirigés par le socialiste Didier Migaud parlent d'une "mesure ambiguë poursuivant plusieurs objectifs à la fois" (réduction de la pauvreté, incitation au retour à l'emploi...). 
Depuis 2009, elle se superpose au revenu de solidarité active (RSA), ayant lui aussi pour objectif de favoriser le retour à l'emploi, en s'assurant qu'un bénéficiaire qui travaille, même à temps partiel, gagne toujours plus que celui qui ne travaille pas. Or, "la multiplication des dispositifs d'incitation à l'emploi nuit à leur efficacité", note la Cour. Pire, la PPE "n'est pas suffisamment incitative" : un célibataire qui reprend un emploi à mi-temps rémunéré au smic gagne par exemple 67 euros de revenu sans la PPE, contre 134 euros grâce à la PPE en 2008. Dans un rapport sur les niches fiscales, publié en septembre, l'Inspection générale des finances avait, elle aussi, donné la note 1 à la PPE, sur une échelle de 0 à 3. 
Autant de mauvais points qui avaient incité l'UMP à préconiser de la fusionner avec le RSA dans son programme pour les législatives. Nicolas Sarkozy n'a visiblement pas retenu cette proposition. 

Risque de détournement

Sa baisse des charges sera-t-elle plus efficace ? La PPE est accessible jusqu'à 1,4 smic pour une personne et 2,1 smic pour deux personnes. Dans la proposition de Sarkozy, ce niveau serait légèrement abaissé, recentrant le soutien sur les salariés les moins bien rémunérés. Une évolution qui va dans le bon sens, selon la Cour des comptes. Les magistrats de la rue de Cambon notent en effet qu'en 2008 "la PPE peut être versée à des ménages dont les revenus se situent nettement au-dessus de la moyenne", ce qui est contraire à ses objectifs. En revanche, la PPE a l'avantage d'être variable selon la situation familiale, ce qui ne serait pas le cas des baisses des charges...
Enfin, la baisse des charges salariales comporte le risque que les entreprises en profitent pour proposer des salaires bruts en baisse. Et qu'elles empochent les gains destinés aux salariés.

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