vendredi 24 février 2012

Un roman inédit de Perec publié 30 ans après sa mort


Un roman inédit de Perec publié 30 ans après sa mort
PARIS — En 1960, des éditeurs refusent le livre d'un audacieux inconnu, Georges Perec. Dépité, le jeune écrivain français le remise dans un tiroir et le croit perdu. Mais trente ans après sa mort, Le Seuil ressuscite ce touchant roman de jeunesse de l'auteur de "La Vie mode d'emploi".
"Le Condottière" paraîtra le 1er mars simultanément en France, en Belgique et en Suisse, trois décennies presque jour pour jour après sa mort, le 3 mars 1982 à l'âge de 45 ans.
Georges Perec disait que "Le Condottière" était "le premier roman abouti" qu'il était parvenu à écrire. Plus d'un demi-siècle après sa rédaction, de 1957 à 1960, les lecteurs vont pouvoir enfin découvrir cette oeuvre, égarée, puis miraculeusement retrouvée, souligne l'éditeur.
Ce sont d'ailleurs Le Seuil et Gallimard qui avaient refusé le manuscrit en décembre 1960. Perec décrochera ensuite le prix Renaudot pour son premier roman publié, "Les Choses", en 1965, et le Médicis en 1978 pour "La Vie mode d'emploi", au succès considérable, traduit dans le monde entier.
Adepte de la contrainte et explorateur de la technique littéraire, il écrira aussi en 1969 "La Disparition", un livre sans la voyelle "e", puis en 1972 "Les Revenentes" où la seule voyelle est le "e".
Amer après le refus du "Condottière", Perec écrivait en ce mois de décembre 1960 à son ami Jacques Lederer : "merde à celui qui le lira (...). Le laisse où il est pour l'instant du moins. Le reprendrai dans dix ans, époque où ça donnera un chef-d'oeuvre ou bien attendrai dans ma tombe qu'un exégète fidèle le retrouve dans une vieille malle t'ayant appartenu et le publie".
Et une fois de plus, relève Charles Burgelin dans la préface du "Condottière", Perec a mis dans le mille !
Polar
Un tapuscrit de ce roman de jeunesse maintes et maintes fois remanié par l'auteur a été redécouvert par son biographe David Bellos au début des années 1990 chez Alain Guérin, ancien journaliste à L'Humanité.
Dans ce roman du faux qui cherche à dire le vrai, "on a un matériau narratif à la fois brut et sophistiqué (...), un sac de noeuds qui a désarçonné les premiers lecteurs. Mais ces ficelles qui sortent de partout, on est aujourd'hui à même de les tirer : elles nous conduisent vers toute la suite de l'oeuvre", relève le préfacier.
Comment parvenir à la conquête du vrai en se débattant avec le faux ? Cette quête entamée avec "Le Condottière" traversera l'oeuvre de Perec.
Le héros du roman, Gaspard Winckler, s'évertue depuis des mois à réaliser un faux "Condottière", célèbre tableau du Louvre, peint en 1475 par Antonello de Messine.
Mais le faussaire n'est que l'exécutant d'un commanditaire, Anatole Madera. Comme dans tout bon polar, le peintre assassine Madera... On le comprend dès la première phrase : "Madera était lourd. Je l'ai saisi sous les aisselles, j'ai descendu à reculons les escaliers qui conduisaient au laboratoire."
Le roman suit toutes les pistes des mobiles de ce meurtre dont l'un sera l'échec du faussaire à rivaliser avec le peintre de la Renaissance.
La question du faux en peinture parcourt toute l'oeuvre de Perec et le personnage de Gaspard Winckler apparaît aussi dans "La Vie mode d'emploi", et dans "W ou le souvenir d'enfance". Quant au dernier roman publié de son vivant, "Un cabinet d'amateur" (1979), il a pour sous-titre "Histoire d'un tableau" et c'est une fascinante construction autour des sortilèges de la copie et du faux.
Georges Perec est né à Paris le 7 mars 1936 de parents juifs polonais. Son père est tué en juin 1940. Sa mère, déportée en 1943, ne reviendra jamais d'Auschwitz. Sans famille, la littérature devient alors son monde.

les autres pages d'actualité

les visiteur en live