dimanche 1 avril 2012

Big and Small', 'Oncle Vania'… Les pièces à voir cette semaine



Par Etienne Sorin et Patrick Sourd - Le 30/03/2012

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'Big and Small', 'Oncle Vania'… Les pièces à voir cette semaine
Cate Blanchett en femme à la dérive, Tchekhov par Alain Françon, la légende punk par Mathieu Bauer, les gays et la droite par Benoît Masocco, la folie de Rafael Spregelburg par Marcial Di Fonzo Bo et Beaumarchais sublimé par Christophe Rauck… Les coups de cœur d’Evene sur un plateau.

Big and Small au Théâtre de la Ville
L'actrice Australienne Cate Blanchett a conquis un statut de star planétaire avec une élégance sans pareil. C’est dire l’événement de la retrouver sur un plateau parisien dans le rôle Lotte, l’héroïne de Big and Small, une des pièces mythiques du théâtre contemporain allemand écrite par Botho Strauss en 1978 et traduite pour l’occasion en anglais avec une belle fraîcheur par l’auteur britannique Martin Crimp. 
Provoquant le rire dès les premières répliques, Cate Blanchett gagne haut la main son pari en composant avec humour une jeune femme à la dérive qui s’avère résolument étanche à la mélancolie. Une Alice dans les villes qui transporte son inoxydable joie de vivre d’un bar à cocktail du Maroc à un squat rempli de fous caractériels, trouve refuge dans une cabine téléphonique ou s’invite à un barbecue sur une plage germanique. Déplaçant le propos de Botho Strauss dans l’univers grinçant et dématérialisé d’un théâtre de l’absurde Benedict Andrews se joue d’un intemporel qui donne à la pièce le statut de véritable classique. Certains pourront discuter le parti pris, on se contentera de se réjouir de l’euphorisante interprétation de l’incontournable Cate Blanchett qui donne à chacun l’envie d’ouvrir grand les yeux pour affronter sans peur le miroir aux alouettes de notre chaos ambiant.  
Oncle Vania, scènes de la vie à la campagne, au théâtre Nanterre-Amandiers
© Michel Corbou© Michel CorbouC’est en amoureux fou du détail qu’Alain Françon aborde avec Oncle Vania l’une des pièces considérée comme la plus populaire de son auteur fétiche Anton Tchekhov. Ouvrant large l’horizon, Françon nous pose d’emblée face à une immense toile où un champ d’herbes folles parsemé de fleurs sauvages s’étend jusqu’à la lisière d’un petit bois au lointain. Une vision idyllique, celle d’un été russe propice au réveil des sens. Tendre comédie où les hommes désespèrent les femmes en se comportant comme d’incorrigibles adolescents… Oncle Vania, sous le regard de Françon, s’avère la peinture d’une microsociété où chacun, par la force des choses, est amené à faire le deuil de la jeunesse pour entrer dans l’âge adulte. Un magnifique exercice de style aussi subtil dans sa forme que respectueux dans son fond du génie de Tchekhov.
En Ballotage, au Théâtre Clavel
Jusqu’ici, pour entendre parler politique sur une scène, il fallait se cogner les chansonniers au Caveau de la Républiqueou au Théâtre des Deux ânes. On peut désormais se rendre dans le XXe arrondissement de Paris pour découvrir le destin d’Édouard Couret. Un homme jeune, 23 ans, beau et hétéro, sur le point de se marier. Il est aussi le fils de son père, ancien ministre de droite frappé d’inéligibilité qui compte sur lui pour reprendre le flambeau. Il sera, c’est sûr, le plus jeune député de l’Histoire. Sauf qu’Édouard Couret est gay. Homo. Pédé comme un phoque. Et amoureux… Un mélo politique signé Benoît Masocco sur un sujet encore tabou, avec des personnages plus vrais que nature, des dialogues ciselés, drôles et toujours percutants.
Please kill me, au Centre national dramatique de Montreuil
Contrairement aux idées reçues, le mouvement punk n’est pas né en Angleterre. C’est durant les années 70, dans la mouvance des clubs new-yorkais, que le mouvement punk a connu l’extase catastrophique de ses premières heures de gloire. Avec Please Kill MeMathieu Bauer et le groupe Sentimental Bourreau rétablissent la vérité historique à travers cette adaptation du livre éponyme de Legs Mc Neil et Gillian Mc Cain. L’histoire des fondateurs du punk est une légende trash dont les héros avaient pour noms Iggy PopDee Dee Ramone, Johnny Thunders… Incarnée avec brio par la performeuse américaine Kate Strong et l’acteur Matthias Girbig, cette saga se joue dans un mélange de projections vidéo et d’interprétation en live de quelques morceaux d’anthologie… L’hommage au destroy devient un oratorio sensible où la tendresse et la pudeur l’emportent sur l’éloge de la déglingue de ces destins suicidaires.
Lucide, au théâtre Marigny
Ne vous fiez pas au titre. Le jeune auteur argentin Rafael Spregelburg prend le plus souvent un malin plaisir à égarer les spectateurs sur de fausses pistes dès le titre de ses pièces. Avec Lucide, c’est plutôt vers l’univers des rêves, l’imaginaire débridé et les hallucinations qu’il convient de caler sa boussole. On se laisse alors guider par le jeune Lucas (l’extraordinaireMicha Lescot) qui s’amuse à longueur de journées à entraîner les membres de sa famille dans des situations toutes plus loufoques les unes que les autres. Entouré de sa mère Tété (la superbe Karine Viard), sa soeur Lucrèce (l’impeccable Léa Drucker), et un amant de passage trouvé par sa mère sur Internet (le drôlatique Philippe Vieux), les aventures de Lucas deviennent celles d’un éternel ado qui se rêve comme Peter Pan en chef tout puissant d’une famille de fantaisie. Au fil de cette soirée qui tient parfois du cabaret surréaliste, l’humour et le rire sont très naturellement au rendez-vous.
Le Mariage de Figaro, au Théâtre éphémère de la Comédie française
Bonne nouvelle, la Comédie-Française redonne Le Mariage de Figaro, le chef d’œuvre de Beaumarchais. Excellente nouvelle même, tant la mise en scène deChristophe Rauck, créée en 2007, est inventive et sensuelle, faisant la part belle aux femmes. Rauck fait entendre la sensualité de la prose de Beaumarchais, montre le ballet du sentiment amoureux par une mise en scène vive, alerte et physique. Les comédiens jubilent sans cabotiner, non pas livrés à eux-mêmes mais jamais entravés par une scénographie légère et ludique. Le public se tait puis gronde de plaisir en entendant les mots de Beaumarchais, annonciateurs d’une certaine révolution, parce qu’il y trouve une résonnance troublante avec notre époque.

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